Présentation de l’exposition “Louis Janmot : le poème de l’âme” par les commissaires d’exposition

Compte-rendu du séminaire

Servane Dargnies de Vitry est conservatrice des peintures au Musée d’Orsay depuis 2022. Pensionnaire à l’INHA de 2015 à 2019, conservatrice au Petit Palais entre 2019 et 2022, elle a été la commissaire de deux expositions sur le XIXe siècle, L’âge d’or de la peinture danoise (2020) et Giovanni Boldini, les plaisirs et les jours (2022). Elle prépare actuellement l’exposition Théodore Rousseau. La voix de la forêt qui se tiendra du 5 mars au 7 juillet 2024 au Petit Palais.
Stéphane Paccoud est conservateur en chef des peintures et des sculptures du XIXe siècle au Musée des Beaux-Arts de Lyon depuis 2007, après avoir été directeur du Musée Boucher-de-Perthes d’Abbeville. Spécialisé dans l’art du XIXe siècle, en particulier la peinture d’histoire et les transferts artistiques entre la France et la Pologne, il a aussi été le commissaire des expositions Juliette Récamier, muse et mécène (2009), Un siècle de paysage, les choix d’un amateur (2010) et L’Invention du Passé. Histoires de cœur et d’épée en Europe 1802-1854 (2014).

Ensemble, ils exposent l’œuvre totale et monumentale de Louis Janmot (1814-1892), Le Poème de l’Âme. Composé d’un premier cycle de dix-huit huiles sur toile et d’un second cycle de seize fusains, l’ensemble, conservé au Musée des Beaux-Arts de Lyon, est accompagné d’un poème de 2814 vers. Il a fallu quarante-six années à Louis Janmot pour achever ce que l’on peut appeler l’œuvre d’une vie. C’est en 1835, à l’âge de 21 ans que l’artiste lyonnais se lance dans ce projet qu’il n’achèvera qu’en 1881.

Inspiré par l’illuminisme, courant philosophique et religieux selon lequel l’âme naissait une première fois dans les cieux avant de s’incarner sur terre, Le Poème représente la quête spirituelle d’une âme exilée sur la terre à travers la figure d’un jeune garçon. Le premier cycle s’achève par la mort de son âme sœur qui a su s’élever et rejoindre les cieux. Dans le second cycle (qui n’est pas exposé sur les cimaises du Musée des Beaux-Arts de Lyon), réalisé mystérieusement au fusain, le jeune homme renie sa foi et tombe dans la luxure. Il témoigne des désillusions de l’artiste lui-même, marqué par des échecs professionnels, mais aussi par la mort d’un de ses enfants et de sa femme. Enfin, les deux cycles montrent la position mélancolique de Louis Janmot face à son temps, qui propose des images dogmatiques et conservatrices en réponse aux débats contemporains.

Sans destination précise (et donc sans subvention), Le Poème de l’Âme, dont le style des toiles diffère très peu, semble avoir été pensé de manière cohérente dès le début. La compréhension de ces deux cycles ne se dévoilent pourtant pas si facilement aux regardeurs du XIXe siècle, comme à ceux du XXIe siècle.
N’acceptant aucun achat qui ne comprendrait la totalité des toiles, Louis Janmot les a conservé dans son atelier jusqu’à sa mort. Ses descendants approchèrent Henri Focillon (1881-1943), alors directeur du Musée des Beaux-Arts de Lyon, puis son successeur, René Jullian (1903-1992), qui expose Le Poème de l’Âme pour la première fois. Il entre définitivement dans les collections après Mai 68, alors que les tableaux étaient accrochés à la faculté de Lettres de Lyon.

A travers cette exposition, le Musée d’Orsay, en collaboration avec le Musée des Beaux-Arts de Lyon, répond à son projet originel de “recontextualisation” de l’art du XIXe siècle à travers des questions de société et en évitant l’écueil d’une histoire de l’art univoque et d’un second XIXe siècle exclusivement tourné vers la modernité. Elle tente de mettre en perspective la particularité et l’intérêt d’un artiste peu connu et de son oeuvre. Aussi originale que soit Le Poème de l’Âme de Janmot, les commissaires proposent une lecture croisée avec les artistes du XIXe siècle (William Blake, Gustave Doré, Eugène Delacroix ou son maître Jean-Auguste-Dominique Ingres) et des références artistiques plus anciennes (Dante Alighieri, Fra Angelico ou Botticeli).

Nous remercions Servane Dargnies de Vitry et Stéphane Paccoud pour cette présentation et ce temps d’échange.

Louis Janmot. Le Poème de l’Âme.
A voir au Musée d’Orsay jusqu’au 7 janvier 2024.